Uinigumasuittuq : le mythe inuit des origines des êtres vivants

September 22, 2011

L’origine des êtres vivants est l’un des mythes inuit les plus populaires en Arctique comme en territoire non Inuit. Il s’agit de l’histoire de Uinigumasuittuq « celle qui ne voulait pas se marier », aussi appelée Takannakaaluk « la Grande là en bas » ; plus connue par les Qallunaat sous le nom de Sedna. Les artistes la représentent souvent sous la forme d’une sirène. Différentes versions du mythe existent, selon les régions Arctiques. Voici une version de l’histoire, racontée par un aîné d’Iglulik au Nunavut :
Unigumasuittuq vivait avec ses parents et leur chien Siarnaq. Elle refusait tous les prétendants. Un jour cependant, elle accorda ses faveurs à un beau visiteur. C’était leur chien métamorphosé que personne n’avait reconnu. Il revint souvent et elle devint enceinte. Le père découvrit alors l’identité de son hôte et furieux, il transporta le couple sur une île. Comme ils souffraient de la faim, la fille envoya plusieurs fois le chien chercher de la viande chez son père. Le chien prit ainsi l’habitude de ramener sur son dos de la nourriture placée dans un sac. Puis un jour, le père était tellement furieux d’avoir des chiots pour petits-enfants qu’il plaça des roches dans le sac, provoquant ainsi la noyade du chien. Sur le conseil de leur mère, les chiots déchirèrent le kayak de leur grand-père quand il vint lui-même leur apporter de la nourriture. Désormais sans nourriture, Uinigumasuittuq envoya ses chiots au loin pour leur permettre de survivre. Elle fit partir un premier groupe vers le Sud au large, sur une vieille semelle de botte : ils disparurent dans la brume et devinrent les Qallunaat. Elle envoya un autre groupe vers le Sud, à l’intérieur des terres, munis d’arcs et de flèches : ils devinrent les Amérindiens. Puis elle décida que le dernier groupe de chiots partirait moins loin, au Nord, mais qu’ils ne devraient pas être vus par les Inuit : ceux-là se transformèrent en Ijirait, êtres invisibles vivant de caribous. Après la dispersion de ceux qui furent à l’origine des races humaines, Uinigumasuittuq retourna ensuite chez son père. Elle continuait de repousser les prétendants jusqu’au jour où arriva un homme qui portait des vêtements de peau de phoque et des lunettes de soleil. Elle le trouva fort beau et accepta de l’épouser. Elle découvrit trop tard qu’il était un pétrel déguisé en humain. Elle s’enfuit alors dans un kayak, aidée par son père. Découvrant leur fuite mais ne parvenant pas à les rattraper, l’oiseau provoqua une terrible tempête. Le père affolé jeta sa fille à l’eau et comme elle s’agrippait aux bords du bateau, il lui trancha les doigts et lui creva les yeux avec son couteau. Chaque phalange sectionnée se transforma en mammifère marin : les phoques annelés, les phoques barbus et les bélugas apparurent alors. La femme disparut sous l’eau et y vécut désormais. C’est ainsi qu’elle devint pour toujours Takannaaluk, « la Grande là en bas ». Privée de ses doigts, elle était incapable de se coiffer et ses cheveux s’emmêlaient. Chaque fois que des nœuds se formaient, les mammifères marins y restaient captifs comme dans des filets. Quand cela se produisait, les Inuit souffraient de la faim car plus aucun gibier ne pouvait être capturé. Le chamane devait alors descendre au fond de la mer pour coiffer les cheveux de Takannaaluk et libérer les mammifères marins. Les Inuit pouvaient alors à nouveau chasser le gibier.
Référence : RASMUSSEN, Knud, 1929, Intellectual Culture of the Iglulik Eskimos. Report of the Fifth Thule Expedition, VII(1), Copenhagen : Gyldendalske Boghandel, Nordisk Forlag.    


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