Les scènes de transformation
September 22, 2011
Les scènes de transformations sont des sujets qui enchantent aussi bien les artistes Inuit que les collectionneurs d’art Inuit. Beaucoup d’artistes représentent des scènes de transformation dans des sculptures, dessins ou estampes parmi lesquels Nick Sikkuak, Matiusi Ayaituk, Simon Tukumi, Alasau Sharky, Joe Ikidlak, Maudie Ohitook, Tukiki Manumi, Markusie Papigatok, Napachie Ashoona. Il existe tellement de différentes représentations de transformations dans les arts de l’Arctique et chacune d’entre elle est unique. Sculpter ou dessiner une scène de transformation peut consister en la représentation de différents éléments de corps d’animaux et d’êtres humains, réunis ensemble pour former une nouvelle créature. Mais ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air !
Les transformations sont un sujet fort dont la signification se réfère à la cosmologie et au chamanisme inuit. Selon les Inuit, l’univers (
silajjuaq) s’organise autour de trois mondes : celui où vivent les êtres vivants (humains, animaux et végétaux); un autre habité par les défunts humains et animaux ; et le dernier, occupé par les esprits (
tuurnngait). Ces trois mondes sont différents mais inter-pénétrants et le chamane joue le rôle d’intermédiaire entre ces mondes dont il maintient l’équilibre. Il peut être aidé par des esprits auxiliaires protecteurs -
tuurnngait - pour réaliser cette tâche.
La conception du monde Inuit représente un continuum où chaque élément appartient à un ensemble. Chaque être vivant peut changer son propre corps pour en intégrer un nouveau, animal ou humain. Ce moment peut ainsi être l’une des scènes de transformation représentée dans une sculpture ou un dessin; mais ça n’est pas la seule. Beaucoup d’artistes connaissent bien peu de choses au sujet du chamanisme aujourd’hui, puisqu’ils ne l’ont pas expérimenté eux-mêmes. Les aînés font bien sûr exception à ceux-là. Cependant, les représentations artistiques du chamanisme sont toujours importantes aujourd’hui, alors que les aîné(e)s transmettent aux jeunes générations les histoires traditionnelles, par l’intermédiaire de l’oralité et de l’art.
Le pouvoir de transformation s’exprime aussi dans de nombreux mythes inuit de l’Alaska, du Groenland et du Canada. On se rappelle de l’histoire de Uinigumasuittuq, « celle qui ne voulait pas se marier » : trompée par un chien transformé en homme, elle l’épouse et a des enfants mi-chiens mi-humains qui donnent naissance aux Blancs, aux Amérindiens et aux Inuit.
Un autre mythe évoque significativement le thème de la transformation : il s’agit de l’histoire du Soleil et de la Lune, telle que cette version collectée en 1899 par Edward Nelson en Alaska (McDonald, 1998 : 272).
On dit qu’un homme et sa femme qui vivaient dans un village côtier avaient deux enfants, un garçon et une fille. Quand ces enfants devinrent grands, le garçon devint amoureux de sa sœur. Étant constamment importunée par le garçon, sa sœur finalement, pour l’éviter, partit dans le ciel et devint la Lune. Le garçon la poursuit depuis ce temps, devenant le Soleil et, parfois la dépassant il l’embrasse, ce qui cause les éclipses lunaires.
Références :
MACDONALD, 1998,
The Arctic sky: Inuit astronomy, star lore, and legend, Iqaluit : Nunavut Research Institute.
SALADIN D’ANGLURE, Bernard (Dir.), 2002,
Entrevues avec des aînés inuit : La cosmologie et le chamanisme Inuit, Iqaluit : Nunavut Arctic College.